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Haïti - Politique : Vives réactions de Lyonel Trouillot à l’actualité 21/10/2014 10:00:44 « Graduations, manifestations, et l’empereur à la poubelle » : par Lyonel Trouillot « Il faut croire qu’il en existe encore deux ou trois qui savent ce que c’est qu’être ministre. On peut appuyer telle mesure du ministère de l’éducation nationale, trouver telle autre précipitée voire un peu hasardeuse, mais on a l’impression, une fois n’est pas coutume au sein de ce gouvernement, que ce ministère est dirigé et qu’on y pense. Après tout, rien n’est mauvais dans l’absolu, et il faut bien reconnaître que, parmi les dirigeants de ce pays, quelques uns semblent bien être à leur place. Faut-il les féliciter ? (Dans ce marasme, leurs actions mériteraient d’être saluées.) Ou les plaindre ? (Car ils entrent dans l’histoire en mauvaise compagnie ?) La décision de mettre un frein au gaspillage annuel de sommes d’argent importantes qu’engendre cette symbolique du paraître et de l’autosatisfaction, quelquefois sur fond d’arnaque et de médiocrité que l’on appelle pompeusement « la cérémonie de graduation » ne protège pas seulement du ridicule de certains spectacles et discours, elle réduit les dépenses des parents, ce qui leur permettra de mettre un peu plus de côté pour la satisfaction de besoins réels liés à l’éducation de leurs enfants. Il est déjà injuste que des citoyens qui contribuent à l’économie de la société ne bénéficient pas des services de base. Leur demander de payer en plus pour la « graduation » d’une fillette de six ans qui va entrer dans « la grande école » est un crime. Car, même pauvres, ils feront l’effort de trouver la somme pour que leur enfant ne soit pas en reste et participe comme les autres au spectacle. Et la « graduation », de manière pernicieuse, s’est un peu substituée à l’évaluation. Aux yeux des parents les moins instruits, elle viendrait (photos, toges et blablabla) faire la preuve par le spectacle que l’enfant a appris quelque chose. Voilà une bonne mesure, et elle a l’honnêteté d’être formelle, claire, assumée. Mais, non assumée, non déclarée, il y a une pratique à laquelle l’exécutif se livre et qui fait craindre le pire. Je m’adresse à vous, lecteurs, et vous demande combien de manifestations n’ont pas été interrompues par les forces de police depuis la présidence de Michel Martelly ? Il y a toujours une raison, ou il n’y a pas de raison officielle, mais étudiants, opposants finissent presque toujours par se prendre des gaz et parfois pire. Aucun pouvoir n’a le droit d’interdire aux gens de manifester. J’éprouve quelque honte quand j’entends des gens avec qui j’ai marché dans les rues de Port-au-Prince en 2003 dire que quand c’est Moise X qui manifeste, il n’y a pas de mal à interdire. Je me souviens de la présence de personnes appartenant au gouvernement actuel dans ces manifestations, et de leurs revendications : liberté d’expression et le droit d’être contre. Tel gouvernement interdira donc ou empêchera par des manœuvres douteuses des manifestations de « mulâtres », tel autre des manifestations de « noirs », tel autre des manifestations de « bourgeois », tel autre des manifestations de « pauvres » ? Demain, vu que ce pouvoir n’est pas éternel, on interdira ou on s’arrangera pour disperser sous n’importe quel prétexte, des manifestations « roses » ? Ce pouvoir s’acharne à se croire populaire. Qu’il le vérifie ou le prouve sans user de la force. C’est du sang, notre sang, qui a payé la liberté d’expression et l’exercice des pleins droits politiques de tous. Et cela, quel que soit le camp auquel nous appartenons par misérable réflexe de clan ou par choix réfléchi, nous ne pouvons l’oublier. Et tous doivent pouvoir s’exprimer, noircir les rues de monde ou être une minorité zuit (Aristide en sait aujourd’hui quelque chose), dans les limites des droits que nous donnent la Constitution et les lois. Il faut dire non à cette tentation d’empêcher que l’on manifeste, l’une des marques du pouvoir actuel. Et, le pire, comme il faut jouer aux démocrates pour ne pas trop choquer la communauté internationale qui pardonne pourtant facéties, gamineries et autoritarisme à l’exécutif (tel ambassadeur n’a-t-il pas récemment pris le ton du groupie ou du thuriféraire pour vanter les mérites de cet exécutif et vociférer contre le Parlement ?), il s’agit de trouver une astuce pour contrecarrer les mouvements de foule. Quitte à faire passer Dessalines à la trappe. Nous le savons tous que l’enjeu pour l’exécutif était de mettre du monde dans la rue le jour anniversaire de l’assassinat de l’Empereur. C’est vrai que ce pouvoir souffre de carnavalisme aigu. « Grouiller » est son symptôme. Mais « célébrer la vie de Dessalines » serait d’abord rappeler qu’il ne s’est pas suicidé, qu’il était porteur de quelque chose, que nous vivons des temps qui demandent réflexions et recouvrement de notre dignité si souvent galvaudée par nos dirigeants. Le ridicule du procédé ferait sourire s’il n’impliquait que l’image déjà pas trop reluisante de ses inventeurs. Bamboche et cooptation. Mais il touche au grand Jacques. Tout n’est pas farce et parodie. Il arrive aux peuples de se fâcher quand on s’en prend à leurs symboles. » HL/ HaïtLibre
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