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Haïti - Politique : Proposition du Sénat au Président Martelly 07/12/2014 08:38:29 Texte de la position commune des sénateurs : « Son Excellence Monsieur Michel Joseph Martelly Président de la République Palais national, APPEL À LA CONCERTATION Il devient de plus en plus évident que nous cheminons inexorablement vers une échéance promise à tous les aléas, à toutes les aventures, à toutes les catastrophes. Les extrémismes s'affrontent sans aucune inclination à se rejoindre sur le terrain du dialogue et du compromis, qui demeure le lieu privilégié du jeu démocratique. Ce cloisonnement étanche, cette polarisation des forces politiques, l'entêtement des uns et l'arrogance des autres, tout cela compromet l'espoir d'un rapprochement dans la recherche d'une issue à la crise politico-sociale actuelle. La formation par le Président de la République d'une commission consultative de onze (11) membres a tout l'air d'un faux-fuyant: le Chef de l'Etat, incapable de trancher après les longues consultations de septembre à novembre, se décharge sur une commission plurielle de la responsabilité qui est sienne de faire lui-même la synthèse et de prendre la décision appropriée. Co-dépositaire de la souveraineté nationale et donc détenteur d'une légitimité que lui confère l'onction populaire, le Sénat estime le moment venu de se positionner devant la nation et devant l'histoire. C'est avec une profonde tristesse qu'il constate que le cri d'alarme du lundi 17 novembre lancé par les Sénateurs par la voix du Président du Corps n'a pas provoqué chez les uns et les autres un sursaut de conscience patriotique. La situation, au lieu de cheminer logiquement vers une solution pacifique et partagée, s'enfonce dans une impasse aveugle et le plus grand perdant sera encore le peuple qui a, par son bulletin de vote, mandaté des élus à la sauvegarde de ses droits fondamentaux à la vie, à la sécurité, à la Paix et au progrès. C'est pour prévenir les catastrophes qui s'annoncent que le Sénat a décidé de se réunir et de réfléchir dans l'isolement et la sérénité d'une retraite afin d'offrir une proposition de solution susceptible de recueillir l'adhésion des forces hostiles apparemment, mais indissolublement~es dans l'intérêt commun de la paix publique, de la stabilité politique et de la survie nationale. I - LA NATURE RÉELLE DE LA CRISE : La crise actuelle, dans son contenu, son déroulement, ses manifestations et ses prolongements, va au-delà d'une banale crise électorale. Si pour certains analystes elle dévoile une lutte de classe, l'affrontement de deux tendances idéologiques ou de deux catégories sociales, pour d'autres, elle s'affirme comme une crise de souveraineté. Elle ne réussit pas à dissimuler le projet déjà centenaire de certaines grandes puissances alliées à des nationaux de contrôler le pays haïtien dans tous ses compartiments économiques, financier, minier, politique, électoral, etc... Aujourd'hui que le monde est traversé par une nouvelle doctrine dominée par la consolidation des possessions, la ruée vers l'or et la résurgence de l'étalon Or, et qu'on a découvert qu'Haïti est habitée par un peuple affamé couché sur des mines d'or, de pétrole et autres ressources, les convoitises s'allument. Certes, en 1986, les protagonistes de cette mainmise ont été pris de court par les révolutionnaires patriotes et progressistes qui ont placé dans la Constitution de 1987 des balises à leur boulimie en accordant au peuple une participation réelle à la conduite de son destin, notamment dans les ASECs, les CASECs, dans la nomination des Juges, le choix des Membres du Conseil Electoral Permanent, etc. En 2011, un amendement constitutionnel pervers a dépouillé le peuple souverain de ses prérogatives pour les retourner à la classe dominante, à la bourgeoisie administrative soumise aux grandes puissances de l'international. La nation haïtienne ne contrôle plus rien sur son territoire, ni ses ressources naturelles ni son destin politique ni même le choix de ses dirigeants, puisque les élections sont délaissées entre les mains des étrangers qui les financent et qui détiennent les bases de données et même nos registres électoraux. La crise actuelle couvre peut-être, probablement, certainement une lutte de classe, mais aussi le combat d'une frange de la société nationale qui veut rapatrier cette souveraineté perdue et accaparée par une puissance étrangère avec la complicité et le consentement conscient ou inconscient d'une catégorie de nationaux. Si on ne pose pas bien le diagnostic de la maladie qui ronge notre .corps social et politique, il est peu probable qu'on lui oppose la thérapeutique appropriée. II - LES NÉGOCIATIONS : La crise haïtienne entre dans une phase de pourrissement qui ne présage rien de bon pour le futur iml'Rédiat de la société haïtienne. Le raidissement de l'opposition comme l'entêtement du Gouvernement, les manifestations qui glissent aux dérapages meurtriers comme les propos vulgaires du Pouvoir, tout cela tisse une conjoncture qui semble promise à une explosion prochaine susceptible de balayer les institutions et la communauté nationale. Tout le monde est conscient que nous cheminons sur la route sans issue d'une aventure qui hypothèque l'avenir d'Haïti. La quête objective et sereine d'une sortie à la crise actuelle écarte les positions extrêmes et irréconciliables: 1 - Et du côté de l'opposition qui réclame la démission du Président constitutionnel. Dans le jeu de la politique et de la démocratie, il est contre-indiqué de tronquer les mandats d'élus et créer des précédents délétères. 2 - Et du côté du Pouvoir en place qui claironne la menace de la gouvernance par décrets, sur le souhait de la disparition de l'institution parlementaire qui, pourtant, reste et demeure une composante indispensable et incontournable de la grande trilogie du système démocratique. Il est obligatoire, pour la survie de la nation haïtienne, d'organiser un dialogue fructueux, hors des faux-fuyants et des manœuvres dilatoires, et surtout entre les véritables protagonistes de la crise. Dès le départ, pour être sérieux, on doit accepter de déblayer le terrain des quelques irritants tels que: l'arrêt des persécutions politiques, la libération des prisonniers politiques, la cessation de toute provocation verbale de part et d'autre. haiti libre III - LE PROBLÈME FONDAMENTAL : Le problème fondamental renvoie à la dislocation prochaine de l'Etat-Nation qui n'existera peut-être plus au 12 avril, au 12 juin ou au 28 juillet 2015. L'issue n'est pas le vote de la loi électorale. Les Sénateurs ont pris le soin d'étudier les quatorze (14) propositions de l'amendement ; elles ne facilitent ni n'empêchent la tenue d'élections. C'est la volonté politique qui fait défaut. Nous cheminons vers la rupture de l'ÉtatNation; il faut empêcher une telle catastrophe. Pour cela, il est impérieux de convoquer les grands pouvoirs de État qui ont tous la responsabilité de la préservation de l'État, la mise en place d'un conseil électoral suivant l'esprit et la forme de l'article 289 de la Constitution, la gouvernance démocratique, etc... Il est contre-indiqué que l'un ou l'autre de ces grands pouvoirs de l'Etat délègue ses attributions régaliennes à des entités non revêtues du sceau de la légitimité populaire. Nous devons comprendre que ce qui nous menace est une dislocation de l'Etat-Nation d'Haïti et que nous devons prendre toutes les dispositions pour freiner cette descente dans les abîmes. Au terme des articles 59 à 60-1 de la Constitution de 1987 amendée, le peuple a délégué l'exercice de la souveraineté nationale à trois pouvoirs: l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Et, à ce carrefour crucial de la vie nationale, c'est d'eux que doit venir la concertation pour préserver l'Etat-Nation d'Haïti. L'heure est venue pour chacun d'assumer ses responsabilités citoyennes et patriotiques. En janvier 2015, le Sénat et l'Exécutif deviendront dysfonctionnels. Le Président, ne pouvant fonctionner seul, se trouvera en dehors du cadre constitutionnel. Le Parlement, réduit à sa plus simple expression, ne pourra plus remplir ses fonctions. À cet égard, des antécédents historiques peuvent être évoqués afin d'éclairer les chemins d'aujourd'hui: - Janvier 1999, le Président René Préval a constaté la caducité du parlement dans un discours qui a eu tout de même des incidences politiques et administratives. Néanmoins, il fut acculé à conduire des négociations qui ont abouti à l'Accord du 6 mars 1999, lequel accord a prévenu la rupture de l'Etat et conduit aux élections de 2000. - Février 2004: Il n'y eut pas de négociations, mais une primauté insolente des acteurs internationaux a conduit à la chute de l'Exécutif, au départ du Président Jean-Bertrand Aristide, au renvoi du parlement et à l'instauration d'un gouvernement provisoire mené par un Premier Ministre disposant de plus de pouvoirs que le Président de la République. Dans le sillage de ce précédent douloureux mais concluant, le Sénat invite le Chef de l'Etat à imiter la sagesse du passé en évitant à la nation l'humiliation d'une solution imposée de l'extérieur, en convoquant le parlement à l'extraordinaire, une convocation qui pourrait s'étendre jusqu'à l'entrée en fonction de la nouvelle législature. Ainsi sera appliqué de façon stricte le 7e considérant de la loi électorale de 2013 en vigueur qui édicte de manière claire et explicite que seuls des élus remplacent des élus. haiti libre La situation qui prévaut actuellement dans le pays nous rappelle étrangement les risques d'effondrement des années passées en nous donnant de constater: 1) La possibilité d'une rupture annoncée de l'Etat, l’avènement du chaos, une dislocation voire une liquéfaction des grands pouvoirs de l'Etat. 2) Un marronnage des décideurs principaux qui délèguent leurs pouvoirs à des entités impersonnelles et illégitimes, notamment la Commission consultative qui ne jouit d'aucune légitimité républicaine et dont les recommandations ne sauraient lier aucun des Grands Pouvoirs de l'Etat. IV - PROPOSITIONS Pour éviter de telles ruptures, dislocation et chaos, le Sénat réclame que des assises sérieuses soient convoquées dans le plus bref délai autour des questions de : 1) La gouvernance démocratique ; 2) Les élections souveraines et crédibles ; 3) Les revendications populaires fondamentales ; 4) La dysfonctionalité de certaines institutions républicaines. Le Sénat, dans une saine lecture de l'article 136 de la Constitution, interpelle le Chef de l'Etat à convoquer dans l'urgence les grands pouvoirs de l'Etat aux fins d'arrêter toutes les mesures visant à .sauvegarder l'Etat-Nation d'Haïti. Ces assises doivent prendre fin avant les fêtes de Noël 2014. En tout état de cause, le Sénat exhorte tous les grands Pouvoirs de l'Etat à faire leur l'urgence d'une solution concertée. Fait à Club Indigo, le 5 décembre 2014 » HL/ HaïtiLibre
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