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Haïti - Politique : «Haïti ne peut pas continuer à faire de la diplomatie comme avant» 12/11/2011 10:35:22 Texte du discours du Ministre des Affaires Étrangères : «...Monsieur le Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti Monsieur le Vice Recteur à la recherche Monsieur le Doyen de l’Institut National de Gestion et des Hautes Etudes Internationales Messieurs les professeurs Chères étudiantes et chers étudiants Bonsoir, Je tiens tout d’abord à remercier le rectorat de l’Université d’Etat d’Haïti et spécialement le Doyen de l’Institut National d’Administration et de Gestion des Hautes Etudes Internationales de me donner l’opportunité de m’entretenir avec vous dans cette prestigieuse institution qui jadis a formé tant de fonctionnaires pour la diplomatie haïtienne. Je veux remercier aussi tous les professeurs pour leur mobilisation autour de cette première que nous augurons non moins sans fierté avec la présence du Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes qui a choisi d’exposer les grandes lignes stratégiques de sa politique en vue de susciter l’intérêt de la communauté universitaire autour de ce que devrait être la diplomatie haïtienne dans le contexte de la reconstruction du pays. Comment ne pas saluer la présence des étudiantes et étudiants pour l’accueil courtois non seulement dont je suis l’objet mais pour qui j’ai une attention particulière. Votre participation est sans contexte significative et témoigne de votre souci pour le présent et l’avenir de la diplomatie haïtienne. Chers professeurs et étudiants, n’en déplaise à vous, je voudrais, d’entrée de jeu vous dire que je ne vous ferai pas un exposé académique avec toute la complexité technique d’un spécialiste des questions de relations internationales et d’histoire de la diplomatie haïtienne. Je suis venu humblement dialoguer avec vous initier une démarche de rencontre institutionnelle dont j’estime importante entre l’Université et le Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes. Je suis venu ici pour établir de manière symbolique le contact avec l’université et saluer le rôle éminemment important que joue l’INAGHEI dans la formation des cadres de la fonction publique. Il est essentiel de promouvoir la fonction de l’Université dans son rôle traditionnel d’espace de réflexion critique, de production intellectuelle et de transmission du savoir. Le Ministère des Affaires Etrangères, même s’il n’a pas un droit de regard sur le fonctionnement de l‘Université, mais collabore avec le Rectorat et le Ministère de l’Éducation Nationale au niveau de l’homologation des diplômes pour les étudiants qui doivent continuer leurs études à l’étranger. Je profite pour m’adresser aux autorités académiques, que s’agissant de la régulation des diplômes au niveau de l’Enseignement supérieur, pour la protection des années d’investissement des études faites par nos étudiants souvent dans des conditions difficiles, préoccupe mon administration. Je pense qu’il est important de protéger la qualité de nos diplômes à l’étranger. Il est navrant de constater que certains dossiers de cours et de notes des étudiants sont mal présentés ce qui fait perdre aux étudiants la possibilité d’obtenir dans certains cas, l’équivalence pour des cours déjà suivis. C’est une situation qui cause souvent, et avec raison, beaucoup de frustration. Je me permets en ce sens, de lancer un appel aux autorités académiques et offrir la collaboration de mon Ministère pour aider et faciliter nos étudiants. Diplomatie et souveraineté politique ou sortir de l’ingérence : vers une diplomatie d’affaires est un sujet d’une extrême importance. Comme nouveau Ministre de cet important ministère, je viens communiquer et partager avec vous ma vision de la nouvelle diplomatie haïtienne dans le contexte de la reconstruction d’Haïti La nouvelle vision politique de la diplomatie haïtienne, se veut une diplomatie d’affaires. Ce concept de diplomatie d’affaires n’est pas nouveau dans les relations internationales. Des pays, comme le Mexique, les Philippines, le Singapour, le Brésil et la Chine ont déjà opérationnalisé ce concept dans leur politique de développement économique. Cependant, en Haïti, c’est la première fois, au risque de me tromper, que le concept de diplomatie d’affaires énoncé par le chef de l’Etat au cours de sa campagne, fait sa rentrée dans le discours politique avec tant d’emphase et d’insistance comme axe stratégique de relations internationales. La diplomatie d’affaires, c’est le passage d’une diplomatie de représentation ou de simple protocole, à une diplomatie de business dont la vocation pratique est d’attirer un déversement d’investissement étranger. Souveraineté politique et ingérence diplomatique quel constat ? Haïti sans avoir les moyens économiques de ses politiques ne peut sortir de l’ingérence de la politique internationale. Le constat du misérabilisme du pays sur le plan institutionnel est flagrant. L’État a de la difficulté de répondre à ses responsabilités, les propositions de sortie sont nombreuses. Les solutions proposées viennent en fonction de nos théories économiques et de nos positionnements politiques. Nous devons être réalistes pour comprendre, que c’est le principe de conditionnalité de notre économie sociale et politique, qui définit notre relation avec la communauté internationale. Haïti est le pays le plus proche des Etats-Unis, premier partenaire commercial et de destination de l’émigration Haïtienne à l’étranger après la République Dominicaine. Haïti ne peut survivre sans les transferts monétaires, commerciaux et les denrées provenant des Etats-Unis et de la République voisine. Les conditions de dépendance de notre pays sont le résultat en partie, d’une politique systématique caractérisée par l’économie d’enclave, le dumping économique écrasant la production nationale. C’est dans cette ligne qu’évolue la diplomatie Haïtienne, le reflet de notre dépendance économique. Haïti pour négocier aujourd’hui son autonomie politique, ne peut le faire sans un pouvoir économique. Diplomatie et économie sont deux éléments qui s’interpénètrent dans les relations internationales aujourd’hui. La souveraineté économique est essentielle à la souveraineté politique. Haïti dans l’état actuel de son économie et l’affaiblissement de ses institutions publiques, ne peut entreprendre aucun grand projet d'infrastructure sans l’aide étrangère. La convergence des facteurs internes et externes a contribué à l’enchâssement de notre dépendance. Combien de fois avons-nous permis l’intervention des étrangers dans nos affaires internes ? En Haïti, personne ne peut douter que nos turpitudes, nos luttes intestines pour le pouvoir, le désordre institutionnel; les limites de nos capacités d’administrer selon les règles de l’art; la difficulté de définir des politiques publiques appropriées ont ouvert la porte à l’ingérence étrangère dans notre vie de peuple. L’absence d’une culture d’éthique de citoyenneté responsable a aggravé pour une bonne part notre situation de dépendance, par la création du besoin de l’assistance, de l’arbitrage international. Il y a des amis d’Haïti qui sont trop intéressés à des opportunités que de nous aider à progresser et à accumuler des biens, voire au détriment de nos intérêts nationaux. Dans la diplomatie internationale, les pays n’ont véritablement pas d’amis répétons souvent, ils n’ont que des intérêts malheureusement. Mesdames et Messieurs, Ainsi je constate avec tristesse et amertume, que les désastres naturels et politiques qui ont malencontreusement causé des victimes dans le pays, deviennent des sources d'emplois, et, par dessus tout, des opportunités politiques et diplomatiques intéressées au nom de l'humanitaire. Il est regrettable que chaque catastrophe naturelle ou crise politique dans le pays occasionne de nouveaux besoins, et, chemin faisant, de nouveaux partenaires; de nouveaux engagés à la cause haïtienne, et, par voie de conséquence, de nouvelles dépendances. Quelqu’un parle même du marché de l’humanitaire, où, la pauvreté devient l’or, une denrée. Je sais que l’une des problématiques actuelles qui vous préoccupe, au sein de vos débats à l’université, avec raison, c’est celle relative à la souveraineté nationale au regard de l’ingérence de la politique internationale. C’est l’un des rôles justement de l’Université d’exercer cette fonction critique. Vous vous demandez sans doute à quoi servirait une diplomatie haïtienne d’affaires, si l’ingérence internationale est comme elle apparait avec la présence des organisations Internationales? Cette nouvelle vision ne viendrait-elle pas encore davantage renforcer cette perception ? Vous auriez encore peut être raison de penser ainsi. À cet égard, le livre d’essai critique du professeur Sauveur Pierre Etienne « Haïti la République des ONG », illustrerait bien l’impact politique des organisations internationales dans le développement socioéconomique d’Haïti. Le livre semble suggérer que nous sommes une Nation sans État. Nous ne sommes plus une république, une Nation souveraine si non, celle des Organisations Internationales. Alors que peut bien vouloir vraiment signifier dans ce contexte la diplomatie haïtienne ? Les ONG n’auraient elles donc pas tendance effectivement à se substituer à l’État ? Je n’ai pas les réponses tout de suite. Mais ce sont des questions que je me pose comme vous, et, que je vous pose aussi, puisque je réfléchis avec vous. J’ajouterais également cette question à savoir : les ONG ne représenteraient elles pas une forme moderne et pratique de la diplomatie étrangère en Haïti ? Autrement dit, les ONG ne seraient elles pas conséquemment orientées en fonction des intérêts de leur pays respectif ? Comment pourrait-on appeler cela humanitaire ou diplomatie ? L’humanitaire et la diplomatie ne sont pas deux concepts exclusifs. Nous croyons que la diplomatie, quant elle est bien gérée et orientée dans le respect des valeurs et des normes éthiques des relations internationales, peut jouer un rôle non moins significatif dans la vie politique d’un peuple. Nous devons réfléchir sur nos limites et nos capacités en matière d’investissement et de création d’emplois. A quoi servirait donc notre diplomatie, si elle ne peut pas contribuer à résoudre nos difficultés socioéconomiques ? Les entreprises technologiques considérées comme des investissements directs étrangers, sont des symboles de biens culturels vendant le progrès de leur pays de provenance. Ce questionnement doit nous faire davantage réfléchir, nous universitaires, étudiantes, étudiants et responsables politiques, autour de la manière d’orienter nos réflexions et nos actions. Nous sommes tous conviés chacun dans le domaine qui le concerne, pour sortir notre pays de cette extraversion dépendante et organisée selon l’expression de l’économiste Fred Doura. En ce qui regarde mon administration au Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes, nous devons repenser notre diplomatie en fonction de nos intérêts nationaux. Cependant, comment le faire sans s’attaquer à l’aspect fondamental du problème des mécanismes structurels ou institutionnels? Or, pour sortir de cette situation d’extraversion dans laquelle se trouve le pays, il est obligatoire que l’ensemble des politiques publiques, dépendent d’une planification organisée et intégrée à la réalité nationale. Où en sommes-nous ? A mon humble avis, cette capacité politique organisée et institutionnalisée se fait encore attendre. Elle reste à se manifester dans nos pratiques administratives et institutionnelles. Nous en avons vu pour notre orgueil national au cours de ces décadres avec l’image de notre pauvreté mondialisée; la désarticulation de l’économie haïtienne; l’afflux de l’aide internationale dont a bénéficié Haïti présenté dans les médias internationaux, comme le plus grand spectacle humanitaire du siècle. Le système bancal de certaines de nos organisations sociales et politiques érigées en laboratoires de crise et d’instabilité permanente. La vulnérabilité écologique du pays devenue de plus en plus une menace pour la vie; le processus bloqué de la réforme de l’éducation et de l’Université comme axes de développement qui est en hibernation pour ne citer que ces exemples. S’agit-il dans cette perspective pour la diplomatie haïtienne de changer de cadran pour devenir une diplomatie d’affaires. Elle se doit d’inventorier et d’implanter de nouvelles stratégies de relations internationales fondées sur la recherche de l’investissement. Elle doit créer tout d’abord de solides rapports avec les secteurs internes de production du pays, qui véhiculent les ilots de croissance économique existant capables d’attirer des investisseurs étrangers et le plein emploi. La diplomatie haïtienne pendant longtemps est prisonnière et tributaire des préoccupations géostratégiques de grandes puissances internationales servant de centres périphériques. Elle ne se préoccupait guère de ses intérêts particuliers alors qu’entre temps la pauvreté et l’immobilisme handicapaient l’avenir de son développement. Haïti ne peut pas continuer à faire de la diplomatie comme avant. La nouvelle diplomatie doit être pragmatique sinon économique. Notre administration ne pourra pas seulement se contenter d’une diplomatie de la théorie des relations internationales ou du dialogue passif. Les règles d’éthiques de relations internationales doivent être respectées pour un développement harmonieux des rapports. Mais nous savons aussi, que c’est notre ingénierie en affaires, dans l’investissement dans le cadre de ces rapports, qui nous permettra de relever les défis économiques auxquels nous faisons face comme pays. Notre diplomatie va devoir innover dans la recherche d’opportunités économiques. Nous devons changer l’image que nous projetons dans la coopération internationale axée depuis des lustres sur l’assistanat, par une autre image, qui est celle de notre capacité à investir dans l’humain et à assumer notre destin. Car nous croyons que la souveraineté politique et l’extraction de l’effet d’ingérence est dans la production et l’accumulation. Mon administration entend indiquer à la diplomatie étrangère, que la formation et l’entreprenariat sont notre priorité. Pour prendre en main notre destin et participer à la mondialisation de la culture et du marché, nous devons avoir des jeunes dont la formation est susceptible de les aider à participer aux échanges et aux transferts des compétences dans la promotion de l’innovation économique et de la recherche. C’est à cette seule condition que nous pouvons promouvoir la croissance et combattre parallèlement la pauvreté endémique qui nous assaille. Il s’agit là d’employer notre diplomatie d’affaires à travailler, non seulement pour la croissance économique, mais également à instituer une logique de bonne gouvernance pour assurer la participation d’Haïti aux forums internationaux. En effet, l’image de la diplomatie d’affaires que doit projeter le Ministère doit venir d’Haïti. Ainsi avons-nous conçu un plan de restructuration interne de l’administration, en fonction des ressources humaines du pays. Nous allons recruter de nouveaux cadres universitaires selon un schéma de travail structuré, en collaboration avec les Facultés du pays qui sont concernées par notre domaine, pour remplacer les personnes ayant atteint l’âge de la retraite. Mon administration entend moderniser la diplomatie haïtienne dans l’inclusion d’une nouvelle génération de jeunes leaders capables d’investir de nouvelles énergies intellectuelles et culturelles, adaptées à la nouveauté des exigences d’ouvertures de transferts technologiques et de mobilité du monde international. Nous allons renforcer la compétence et le leadership des employés présentant des qualités qui répondent aux nouvelles stratégies de la diplomatie haïtienne. Pour réguler l’imbroglio administratif et fournir au Ministère des Affaires Etrangères et des Cultes, un outil efficace de développement et d’instrumentalisation de politique d’action est proposé; l’établissement d’un Département de formation continue appelé Institut de la Bonne Gouvernance. L’objectif de l’Institut est de contribuer à la formation continue du personnel à tous les niveaux. Nous voulons une diplomatie qui ne soit plus passive mais agressive à la fois sur le plan économique, politique, technologique et culturel. - Renforcer le développement des liens avec les pays de la CARICOM et d’Afrique - Ouvrir d’autres relations diplomatiques avec la Chine - Instruire les possibles investisseurs partenaires sur les avantages à investir en Haïti - Servir de canal entre les institutions gouvernementales et les institutions étatiques internationales - Élaborer des documents de travail et des textes de position pour maintenir la visibilité d’Haïti au niveau des forums internationaux - Mener une diplomatie axée sur le respect et la protection des droits de l’homme - Consolider les relations traditionnelles d’Haïti avec les partenaires traditionnels au niveau de la coopération internationale et développer d’autres qui sont utiles au développement socioéconomique du pays. -Trouver des ouvertures sur le plan des affaires pour favoriser l’investissement des capitaux étrangers et stabiliser le démarrage du développement économique -Avant de terminer, avec mes propos, je voudrais ici convier toute la communauté universitaire les étudiantes et étudiants en particulier à partager leur vision. Le pays vous attend tous à nous engager et à assumer notre appartenance dans le dialogue et le partage des idées novatrices. Monsieur le recteur de l’Université d’Etat d’Haïti, Monsieur le doyen de l’Institut National de Gestion d’Administration et des Relations Internationales. Chers étudiants et étudiantes Pour terminer, je ne saurais en guise d’exhortation ne pas vous citer Fustel de Coulanges disant ce qui suit « Ce qui distingue les nations n’est ni la race ni la langue. Les hommes sentent dans leur cœur qu’ils sont un même peuple lorsqu’ils ont une communauté d’idées d’intérêts, d’affections, de souvenirs et d’espérances qui fait la patrie (…) la patrie, c’est ce qu’on aime ». Je reste donc profondément optimiste que les choses changeront. Vous et moi nous sommes hérités tous de la patrie. Je vous remercie » HL/ HaïtiLibre
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