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Haïti - ONU : Sombre rapport sur la situation en Haïti
23/01/2025 09:10:27

Haïti - ONU : Sombre rapport sur la situation en Haïti
Mercredi 22 janvier 2025, Maria Isabel Salvador Représentante spéciale du Secrétaire Général de l’ONU et Cheffe du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) a présenté en visioconférence au Conseil de Sécurité son rapport sur l’évolution de la situation en Haïti.

« Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Je viens devant vous avec l’espoir de voir des signes de progrès sur le front politique, malgré de sérieux revers sur le front sécuritaire.

Le 11 novembre, des gangs armés ont pris pour cible des avions commerciaux près de l'aéroport international de Port-au-Prince, forçant sa fermeture et la suspension de tous les vols. Au moins trois avions ont été touchés, blessant dans l’un des cas une hôtesse de l’air https://www.icihaiti.com/article-43623-icihaiti-insecurite-le-ministere-de-la-justice-condamne-les-tirs-sur-des-avions.html . L’interdiction imposée par la Federal Aviation Administration des États-Unis aux avions immatriculés aux États-Unis https://www.haitilibre.com/article-43826-haiti-flash-la-faa-prolonge-les-restrictions-de-vols-d-avions-americains-sur-haiti-jusqu-en-mars-2025.html a exacerbé l’isolement de Port-au-Prince, et au moins une grande compagnie aérienne a annoncé qu’elle ne reviendrait pas en Haïti dans un avenir proche. C'est la deuxième fois en moins d’un an que les opérations commerciales à l’aéroport sont suspendues, laissant la population de la capitale de plus en plus coupée du reste du pays et du monde.

Peu de temps après, des gangs ont lancé des attaques coordonnées et simultanées dans toute la capitale, y compris dans des zones jusque-là épargnées par de telles violences. Ces attaques, qui visaient à déstabiliser les institutions de l’État, ont déclenché des réponses violentes de la part de groupes d’autodéfense, dont les habitants étaient armés de machettes et d’armes à feu. Ce cycle de violence, à Port-au-Prince, a fait au moins 220 morts et déplacé près de 41,000 personnes.

En décembre, des gangs armés ont perpétré des massacres à Wharf Jérémie, dans la commune de Cité Soleil, faisant 207 morts https://www.haitilibre.com/article-43913-haiti-flash-massacre-de-wharf-jeremie-plus-de-207-morts-rapport-d-enquete.html , principalement parmi les personnes âgées. Dans le même temps, le département de l’Artibonite a connu une forte escalade de la violence, avec des attaques de représailles entre gangs et groupes d’autodéfense qui ont fait 114 morts https://www.haitilibre.com/article-43698-haiti-flash-plus-de-100-bandits-tues-en-3-jours.html . Le 24 décembre, l’hôpital de l’Université d’État de Port-au-Prince a été attaqué avant sa cérémonie de réouverture, entraînant la mort d’un policier et de deux journalistes https://www.icihaiti.com/article-43943-icihaiti-insecurite-attaque-hopital-general-le-bilan-s-alourdi.html .

Le 18 janvier, 217 policiers kényans supplémentaires (dont une équipe préparatoire de 5 femmes) ont été déployés en Haïti https://www.haitilibre.com/article-44091-haiti-flash-218-soldats-kenyans-sont-arrives-en-haiti-video.html . En outre, 150 Guatémaltèques https://www.haitilibre.com/article-43993-haiti-flash-un-second-groupe-de-75-militaires-guatemalteques-est-arrive.html et une équipe avancée de 8 soldats salvadoriens sont également arrivés https://www.haitilibre.com/article-43986-haiti-flash-les-premiers-renforts-du-guatemala-et-du-salvador-sont-arrives-video.html

La Police Nationale d’Haïti (PNH), appuyée par la Mission Multinationale de Soutien à la sécurité (MSS) et, dans certains cas, par les Forces armées d'Haïti, a fait des efforts pour répondre à cette montée de la violence. Une meilleure coordination entre la MSS et les forces de sécurité nationales a permis de mieux planifier et exécuter les opérations antigang. La nomination récente d’un Secrétaire d’État à la sécurité publique est une étape positive https://www.haitilibre.com/article-44067-haiti-politique-installation-de-mario-andresol-comme-secretaire-d-etat-a-la-securite-publique.html , qui signale une attention accrue portée aux défis sécuritaires d’Haïti.

Une étape importante a été franchie le 10 janvier, lorsque 739 nouvelles recrues https://www.icihaiti.com/article-44029-icihaiti-pnh-ceremonie-de-graduation-de-700-nouveaux-policiers.html , dont 213 femmes https://www.haitilibre.com/article-44035-haiti-pnh-34e-promotion213-femmes-pretes-a-combattre-les-gangs-armes.html ont obtenu leur diplôme de l’Académie nationale de police. L'espoir et la fierté reflétés par ces jeunes recrues et leurs familles constituent un rappel indispensable de la résilience et de la détermination.

Cependant, les défis auxquels la PNH est confrontée restent immenses, avec des taux d’attrition élevés, une formation spécialisée insuffisante et un manque d'équipement. Une aide internationale renforcée est essentielle.

Je saisis cette occasion pour remercier les États membres pour leurs contributions en personnel et par le biais du Fonds d’affectation spéciale pour la MSS, cet honorable Conseil pour son soutien indéfectible et, une fois de plus, féliciter le Kenya pour son leadership. J’exhorte les États membres à fournir des contributions supplémentaires pour assurer le succès de cet effort multinational.

Excellences,

L’aggravation de la crise sécuritaire a eu des répercussions importantes sur les opérations des Nations Unies. En réponse à la suspension des vols vers Port-au-Prince et à la violence généralisée, l’ONU a décidé de réduire temporairement sa présence dans la capitale, tout en continuant à fournir une assistance vitale. Ce mécanisme a permis au BINUH, avec une équipe réduite, et aux agences des Nations Unies de continuer à s’acquitter de leurs mandats grâce à des efforts hybrides, combinant le personnel national et la présence internationale essentielle à Port-au-Prince avec le travail à distance.

L’ONU reste déterminée à renforcer sa présence dès que les conditions de sécurité le permettront, en surveillant en permanence l’environnement sécuritaire pour assurer la sécurité du personnel tout en fournissant une assistance à ceux qui en ont besoin.

Monsieur le Président, Excellences,

Le paysage politique en Haïti a connu des évolutions positives depuis ma dernière intervention devant ce Conseil. La nomination d'Alix Didier Fils-Aimé au poste de Premier Ministre le 11 novembre https://www.haitilibre.com/article-43607-haiti-flash-le-cpt-nomme-un-nouveau-premier-ministre.html a amélioré la collaboration entre le Gouvernement et le Conseil Présidentiel de Transition. Cette coopération a permis de faire avancer des dossiers clés en matière de gouvernance.

Une meilleure coordination entre le Conseil présidentiel de transition et le gouvernement actuel a permis d’affiner et de cibler avec succès les « priorités des priorités » de la transition : « sécurité, élections et apaisement social », et a contribué à faire avancer certaines décisions clés de gouvernance qui étaient auparavant en suspens. Je félicite la nomination des deux membres restants du Conseil Électoral Provisoire. Quatre des neuf membres sont désormais des femmes, une étape importante vers une plus grande inclusion du genre dans le processus électoral. https://www.haitilibre.com/article-43841-elections-le-cep-est-maintenant-complet-et-a-44-feminin-liste.html

Je salue également la nomination des ministres délégués aux Affaires électorales et constitutionnelles et à la Solidarité et aux Affaires humanitaires, qui, je l’espère, renforceront la visibilité de ces deux portefeuilles clés.

En réponse à une demande du Gouvernement haïtien, les Nations Unies ont déployé une mission d’évaluation des besoins électoraux en novembre. Les recommandations de la mission, approuvées par le Point focal des Nations Unies pour l’assistance électorale, comprennent un soutien ciblé aux processus constitutionnels et électoraux.

Entre-temps, la Conférence nationale sur la réforme constitutionnelle poursuit ses travaux. En novembre et décembre, le Groupe de travail sur la révision constitutionnelle a consulté divers secteurs de la société pour recueillir des points de vue sur les principes constitutionnels clés. Des consultations plus larges avec la diaspora haïtienne et à travers le pays commencent cette semaine pour assurer l’inclusivité. Le référendum constitutionnel et les élections générales restent des objectifs pour cette année, exigeant des mesures d’amélioration de la sécurité, un engagement soutenu et des progrès en temps opportun.

La création du Conseil de sécurité nationale est une autre réalisation remarquable. Ce mécanisme de planification et de coordination a le potentiel de renforcer considérablement les efforts de sécurité d’Haïti. J’encourage les autorités à mettre pleinement en œuvre cette structure afin d’en maximiser l’impact.

Monsieur le Président, Excellences

Si des progrès sont réalisés sur le plan politique et qu’il y a lieu d’espérer timidement, le cadre de transition reste fragile. La fragmentation croissante des secteurs politiques représentés au sein du Conseil présidentiel de transition, combinée aux critiques persistantes à l’encontre de ce Conseil, complique le processus. De graves allégations de corruption visant trois membres du Conseil ont accru les tensions et remis en cause la légitimité de ses actions.

Récemment, certains acteurs politiques ont sollicité l’assistance du Groupe de personnalités éminentes de la CARICOM pour faciliter un dialogue national. Une lettre adressée à la CARICOM par des acteurs de trois groupes politiques qui font partie du Conseil présidentiel de transition, propose différentes options pour résoudre les différends autour de cette question. Cependant, la mention dans la lettre d’une coalition de gangs a suscité de vives critiques, mettant en évidence une opposition généralisée à toute interaction avec les gangs criminels.

Ces développements montrent que toute tentative de légitimation des gangs armés est rejetée par la majorité des acteurs haïtiens et l’opinion publique en général.

Monsieur le Président,

La crise humanitaire en Haïti a atteint des niveaux alarmants. Plus de 6 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, ont besoin d’une aide humanitaire, dont 3,9 millions sont ciblées. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a triplé pour atteindre plus d’un million, dont plus de la moitié sont des enfants. Les sites de déplacement sont surpeuplés et manquent de services essentiels tels que l’eau potable, l’assainissement et l’éducation.

L’insécurité alimentaire touche 48% de la population, avec près de 2 millions de personnes en situation d’urgence (phase 4 de l’IPC) et 6,000 en situation catastrophique (phase 5 de l’IPC). Malgré ces défis, les partenaires humanitaires ont mené 700 missions des Nations Unies au quatrième trimestre, dont 500 directement liées à l’aide vitale.

Le Plan de réponse humanitaire 2025 nécessite 908 millions de dollars, et j’appelle les donateurs à contribuer généreusement pour alléger les souffrances et soutenir le relèvement.

Excellences,

En cette période cruciale, Haïti a plus que jamais besoin de votre soutien continu. Pour organiser un processus de révision constitutionnelle et des élections crédibles, participatives et inclusives dans ce contexte de crise, les acteurs haïtiens doivent surmonter leurs différences et collaborer. Une solution durable nécessite des progrès simultanés sur les fronts politique et sécuritaire, soutenus par une solidarité internationale constante.

Le BINUH continuera à offrir ses bons offices et son soutien stratégique pour aider Haïti à relever ces défis complexes. »


Lire aussi :
https://www.haitilibre.com/article-44120-haiti-flashl-onu-alerte-sur-le-risque-que-les-gangs-s-emparent-de-tout-port-au-prince-rapport.html

HL/ HaïtiLibre

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